Fraude au compteur kilométrique : des solutions en projet

Mise sur le devant de l’actualité en 2014, la fraude au compteur kilométrique reste un simple délit d’escroquerie. Sous l’impulsion du Parlement européen, les états membres doivent renforcer la lutte contre ce fléau. En France, un groupe de députés vient de présenter une proposition de loi « visant à renforcer la traçabilité des véhicules pour renforcer le marché de l’occasion ». Détails.

La fraude au compteur kilométrique coûte chaque année plusieurs milliards d’euros aux consommateurs européens. Elle touche plus de 50 % des véhicules d’occasions (VO) échangés en Europe. Pour parer à cela, Bruxelles a adopté, le 31 mai 2018, une résolution pour renforcer la lutte contre la manipulation des odomètres.

Aujourd’hui, seules la Belgique et les Pays-Bas ont mis en place des moyens visant à endiguer cette fraude, grâce respectivement aux systèmes Car-Pass, depuis 2006, et Nationale AutoPas, depuis 1991.

L’exemple belge

Selon son dernier rapport annuel, publié le 8 mai 2019, Car-Pass a délivré 819 345 certificats en 2018. Près d’un « Car-Pass » sur dix est relatif à un véhicule d’occasion importé. De fait, seulement 1 648 cas de fraude au compteur kilométrique ont été recensés en Belgique, l’année dernière. En moyenne, les compteurs avaient été abaissés de 64 326 km !

Depuis mars 2019, le certificat indique désormais les émissions de CO2 du véhicule, la norme de pollution. En outre, ce certificat précise si le véhicule doit encore être soumis à un contrôle après accident.

Les constructeurs à contribution

Par ailleurs, pour renforcer ce dispositif, la législation belge imposera, à tous les constructeurs automobiles, de communiquer à Car-Pass, les kilométrages enregistrés dans leurs bases de données « Réseaux ». , Dès le 1er janvier 2020, cette mesure concernera tous leurs modèles en circulation importés en Belgique.

La France dans le flou

Pour la France, point de statistique sur cette fraude ! Le consommateur n’a comme seule source d’informations, les médias. Ainsi apprend-il, au gré des pages de la presse quotidienne, qu’en mai 2016 un trio d’escrocs du Tarn venaient d’être condamnés pour avoir trafiquer les compteurs de 19 VO. Ou encore qu’en janvier 2018 des professionnels de l’occasion, basés à Torcy (77), étaient mis en garde à vue, pour avoir manipulé les compteurs de plusieurs voitures,

2 000 et 5 000 euros par litige

Selon mon enquête, menée en 2014 , cette fraude coûtait plus de 500 millions d’euros. Elle impactait 5 à 12 % des voitures d’occasion échangées, chaque année, dans l’Hexagone (soit environ plus de 600 000 véhicules).

Bruxelles rappelait, en 2018, que cette fraude trompait le consommateur sur la valeur réelle d’un VO. Elle était aussi une source de frais supplémentaires : coût des réparations et autres remises aux normes…  Cette tromperie étaient estimés, par les instances européennes, entre 2 000 et 5 000 euros par litige.

Demi-mesures

Devant l’obligation faite par l’Union européenne, des parlementaires du groupe « Les Républicains » ont présenté un projet de loi ad hoc. Ce texte, présenté par Emmanuelle Anthoine, députée de la Drôme, s’appuie partiellement sur les recommandations de Bruxelles.

Ils proposent, que la France se dote d’un « registre national de validation des compteurs kilométriques ». Ce dispositif pourrait assurer la traçabilité de tous les véhicules d’occasion, en relevant simplement le kilométrage. Une opération qui pourrait être réalisée dans le cadre du contrôle technique (CT). Les professionnels de la réparation automobile pourraient aussi être mobilisés, lors d’une maintenance ou d’un entretien. En cas de vente, le projet de loi prévoit que le propriétaire remette à l’acheteur, un certificat délivré par ce Registre national. La délivrance de ce document serait assujettie à une taxe fixe de 3 euros.

Cependant, les parlementaires engagés dans cette proposition de loi n’ont pas retenu l’intégration de série de technologies anti-fraude embarquée. De la même façon, ils ont ignoré la possibilité de faire reconnaître cette escroquerie comme un crime. Cela y compris pour la mise à disposition du matériel et des logiciels et la prestation de services nécessaires aux fins de la manipulation illicite.

Alternatives transitoires

D’autres initiatives, tendent à renforcer la sécurité des transactions. Que ce soit entre professionnels de l’occasion au bénéfice des particuliers (Certificare – B to B to C ) ou entre particuliers (Histovec ), elles ont été initiées courant 2018.

La première consiste en la collecte de données dans une base unique via le CT et les professionnels de la réparations et l’entretien. La finalité étant de rassurer les professionnels lors d’une reprise et le client final.

La seconde est testée depuis juillet 2018 et a été mise en ligne sur le portail du ministère de l’Intérieur en janvier 2019. Elle, permet d’obtenir gratuitement un historique du VO, à partir des données inscrites dans le fichier national du système d’immatriculation des véhicules (SIV)

Une fraude à la portée de tous

Réglementer la vente des programmateurs On Board Diagnostic (OBD) pourrait permettre d’endiguer partiellement l’expansion de cette fraude… Considérés comme des outils de maintenance automobile, nombres de ces programmateurs s’échangent librement sur le web pour moins de 200 euros.

odometer programmer

N’importe quel vendeur d’occasion au fondement malhonnête (professionnel ou particulier) peut donc faire un bénéfice substantiel en quelques minutes. Il lui suffit de connecter ce gadget électronique au véhicule via la prise OBD (ou Bus Scan).

Manipulation discrète

Aucune connaissance technique n’est requise pour parvenir à l’écran permettant de rajeunir l’odomètre. Faire disparaître du compteur des milliers, voire des centaines de milliers de km, est une manipulation qui ne laisse aucune trace dans l’ordinateur de bord.

Limiter la distribution aux seuls professionnels de la réparation et de la maintenance est possible. Une piste à suivre…

©Didier Ghacham

Crédit Photo d’ouverture : Jean-Brice Lemal pour Renault