Fraude au compteur kilométrique : enfin un projet de loi

La fraude au compteur kilométrique continue d’entacher le marché français du véhicule d’occasion. Pour parer à cette escroquerie touchant, chaque année, plusieurs milliers de consommateurs, un projet de loi a été présenté à l’Assemblée nationale le 10 avril 2019. Interview d’Emmanuelle Anthoine, députée de la Drôme (LR), initiatrice de ce texte.

Un simple relevé de compteur suffira-t-il à prouver le kilométrage réel d’un véhicule ?

Emmanuelle Anthoine, députée de la Drôme (LR)Emmanuelle Anthoine : Le dispositif imaginé est inspiré du système Car-Pass belge qui, par des relevés de compteurs réguliers, permet de vérifier qu’il n’y a pas d’incohérence dans le kilométrage présenté au moment de la vente. En effet, il pourra être vérifié que ce kilométrage a bien augmenté entre chaque passage chez un professionnel de l’automobile.

N’existe-t-il pas un risque de remontée de données erronées volontairement ou non, en cas d’un relevé visuel du compteur ?

E.A. : Le professionnel du secteur de la réparation automobile et de l’occasion devant faire remonter les données sera soumis à une obligation de résultat. Il devra fournir des données fiables. Le décret en conseil d’Etat fixant les conditions d’application de ce dispositif pourra éventuellement prévoir des sanctions en cas de falsification de ces données.

Un relevé via la prise ODB*, plutôt qu’au compteur, ne serait-il pas plus fiable ?

E.A. : Tout véhicule actuellement en circulation ne dispose pas d’un ordinateur de bord. Mais effectuer des relevés via la prise ODB est bien évidemment une évolution du dispositif à envisager par la suite afin de le rendre plus fiable. Cette proposition de loi doit avant tout permettre d’introduire dans le débat public français un tel dispositif alors que celui-ci y est actuellement inexistant.

Ne serait-il pas plus simple d’imposer aux constructeurs de verrouiller l’accès aux fonctions et données de l’ordinateur de bord  ?

E.A. : Contraindre les constructeurs réglementairement pourrait être une solution mais il faut voir les modalités techniques et cette option n’a pas été retenue. Par ailleurs, les constructeurs sont déjà soumis à de nombreuses réglementations représentant autant de défis technologiques. Je préfère qu’ils se concentrent sur la recherche pour développer des moteurs satisfaisant aux exigences des normes anti-pollution.

Votre texte ne pas prendre en compte le marché des deux/trois roues motorisés immatriculés touché, lui aussi par cette fraude. Pourquoi ?

E.A. : Nous n’avons pas travaillé sur le marché d’occasion des deux/trois roues.

La fraude au compteur est un délit et les sanctions restent, dans les faits, assez peu dissuasives. Une requalification en crime, assortie de sanction plus lourde, est-elle envisageable en France ?

E.A. : Si vous vous reportez au Code Pénal**, vous verrez que les sanctions ne sont pas si dissuasives que cela !

En regard du contexte social, est-il opportun de prévoir une taxe fixe au profit de l’Etat, même si sa finalité sera de financer la lutte contre cette fraude ?

E.A. : La taxe instaurée pour financer la lutte contre la fraude serait minime. Elle ne serait que de 3 euros qui sont à comparer avec le prix de vente moyen d’un véhicule d’occasion. Elle représenterait donc une part négligeable du prix de vente, bien inférieur à 1% et elle serait due par le vendeur. Cela ne viendrait donc pas grever le pouvoir d’achat.

©Didier Ghacham

*On Board Diagnostic
**Selon le Code pénal, les peines maximales encourues pour escroquerie sont :
– Pour les personnes physiques : 5 ans d’emprisonnement, 375 000 € d’amende.
– Pour les personnes morales : 1 875 000 € d’amende ainsi que les peines prévues à l’article 131-39 du code pénal.
La tentative est punissable des mêmes peines.